Beaucoup de professionnels accompagnent leurs clients/patients à travers une relation de soin. Faut-il pour autant réserver la notion de relation d’aide pour les travailleurs dans le domaine de la santé ? Non, pas nécessairement. Etablir une relation d’aide, accompagner quelqu’un sur un bout de chemin de son existence, serait « l’aider à vivre ». Mais la relation d’aide est aussi un soin : et prendre soin de quelqu’un d’autre que soi arrive à tout un chacun qui évolue dans la société. Prenons soin. Quel que soit le public auquel il s’adresse, le médecin, l’infirmier(ère), l’éducateur (trice), l’hôtesse d’accueil, le psychothérapeute, le kinésithérapeute, l’ergothérapeute, le psychomotricien, l’assistant(e) social(e), etc… Tous sont des professionnels de la relation d’aide, chacun à son niveau.
Prendre soin, qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit de porter son attention à l’autre afin de lui venir en aide.
Un patient se résume-t-il à « un tout qui représente la somme des parties » ? Le fait de répondre aux 14 besoins fondamentaux de manière systématique suffit-il à nous le représenter comme un sujet global ? L’autre est souvent vu comme « une grille de besoins », « une échelle d’évaluation de la douleur », ou autre.
Prendre soin suppose une autre dimension : c’est ajouter aux connaissances que nous avons sur les personnes, un savoir-être, une habileté pour nous permettre d’intervenir chez telle personne, dans sa situation unique. Prendre soin, c’est ajouter une valeur à la relation avec un autre être humain. Il ne s’agit pas de s’adresser à un « corps-objet » : cela ne se réduit pas à exécuter les tâches qui incombent au professionnel selon les termes de son contrat, selon les techniques apprises.
Chaque professionnel entre en relation avec un « corps-sujet », en portant son attention à l’autre. « Il s’agit bien de toutes les petites choses de la vie, celles qui, pour une personne donnée, en éclairent le sens et comptent pour elle. L’attention à « ces petites choses » manifeste le souci du professionnel à l‘égard de l’autre, dans son existence » (W. Hesbeen, Prendre soin à l’hôpital, Ed. Masson). Prendre soin, c’est accompagner l’autre au quotidien, être prêt à le rencontrer dans sa globalité et sa singularité. Prendre soin, c’est entrer en relation avec le patient à l’occasion de sa toilette, d’un pansement, d’un repas, faire quelques pas dans le couloir avec le résident, c’est une main posée sur l’épaule, un sourire, c’est installer le patient confortablement…
Prendre soin de soi pour prendre soin des autres. Bien se connaître, accepter ses limites, apprendre à gérer ses émotions est important pour entrer en relation nos clients/patients. Y a-t-il de l’agressivité dans les soins ? Si nous n’y prenons garde, oui, bien sûr. D’où l’importance d’anticiper, et d’instaurer un climat de confiance. Plusieurs éléments sont importants, voire indissociables : témoignons de la chaleur humaine envers la personne soignée, écoutons-le dans ses inquiétudes, sa solitude, sa souffrance. Il incombe également au soignant de montrer de la disponibilité pour la personne soignée « je suis présent, je suis là pour vous ». Si le temps nous manque, expliquons-le à la personne : elle comprendra que nous avons d’autres priorités, mais que nous allons revenir vers elle ; à ce moment-là, nous lui offrirons un espace-temps pour elle. Ce moment n’en sera que plus riche pour tous les deux.
Pour s’adresser au résident/patient, utilisons un langage accessible, compréhensible pour lui. Ensuite, ayons conscience de nos propres limites : nous ne pouvons pas tout connaître. C’est faire preuve d’humilité que dire à quelqu’un « je ne sais pas ». Dans nos propos à l’autre, évitons de l’infantiliser, c’est insupportable, et source potentielle d’agressivité. Nous connaissons tous « la petite piqûre »…Soyons vigilants, n’abusons pas de ce faux pouvoir que constituent nos quelques connaissances d’êtres en santé, face à celui ou celle qui est devenu dépendant.
Un autre outil intéressant, c’est l’humour. L’humour permet souvent de désamorcer l’amorce d’un conflit ; cette manière de communiquer aide à alléger l’atmosphère, et à relativiser les choses, prendre du recul…
Comment encore prévenir l’agressivité dans le soin ? Au-delà de l’acte technique (si technicité il y a) dans le soin, il est nécessaire d’y ajouter tout le savoir-être du professionnel pour entrer en relation.
Soyons authentique dans notre rapport à l’autre, mais d’abord soyons vrai envers nous-mêmes. Chaque personne a droit au respect, qu’il soit soignant ou soigné. Le respect, c’est tenter d’accueillir la singularité de cet autre.
Tenter de respecter est un essai, mais il est nécessaire de travailler cette valeur importante qu’est le respect. Cette croyance en l’humain singulier mérite notre attention. Si je ne regarde pas l’humain, je ne peux pas le respecter. Le respect se travaille dans chaque situation : regarder l’autre pour mieux le voir.
RE– : à nouveau
SPECT : spectateur
Face à l’humain singulier, je n’ai pas d’autre choix que de renoncer à comparer ; chaque être est unique. Je ne peux pas hiérarchiser, car chacun a une importance. Il y a des situations de soins singulières : à chaque fois, la complexité de soins est à nulle autre pareille. D’où la nécessité de remettre systématiquement le curseur de notre propre agressivité à zéro.
« Tout ce qui nous irrite chez les autres
peut contribuer à mieux nous connaître. » Carl Jung