L’équilibre du « no stress »

La période actuelle est complexe pour les soignants, tous horizons confondus. Je vous propose de visiter le stress à travers l’image d’une balance : les facteurs stressants d’une part, les ressources d’autre part. Notre balance reste en équilibre tant que les ressources sont suffisantes pour « contre-carrer » les stresseurs.  Lorsque les stresseurs sont peu nombreux ou ne pèsent pas trop, et si la balance est riche de ressources, tout va bien. Et les stresseurs peuvent être nombreux, sans pour autant compromettre l’équilibre. Cependant, nous connaissons tous les imprévus de dernière minute, et autres aléas de la vie quotidienne. Tant que l’équilibre est maintenu, la vie professionnelle et privée suit son cours.

Une balance déséquilibrée pour les soignants

Cet équilibre peut être fragile ; si les ressources sont peu nombreuses, et que les facteurs de risque augmentent ou/et s’alourdissent, alors la balance penche du côté des stresseurs.
Le covid a considérablement alourdi la balance des soignants côté stresseurs : incertitudes, augmentation de la charge de travail, turn over des patients, décès et circonstances de ces décès, peurs, colère et tristesse, etc… autant de facteurs d’un seul côté de la balance. Les ressources ont été presque supprimées : cinémas, restos fermés, contacts sociaux restreints, bulles, etc. La balance de tous s’est trouvée déséquilibrée, les ressources ou exutoires nécessaires sont devenus inexistants. Les soignants étaient déjà en souffrance… trop de stress, trop longtemps. La pandémie a accentué cet état de fait.

Savoir ce qu’on contrôle, ou pas

Certains facteurs de stress ne sont pas sous notre contrôle : nombre de patients, confinement(s), ré-organisation (nécessaire) des soins, respect des règles sanitaires, propagation du covid, augmentation de la charge de travail, déconfinement, absentéisme, attitudes des uns et des autres, … Pour gérer le stress, il est essentiel de prendre conscience que nous ne maîtrisons pas la situation ; nous pouvons agir sur ce qui dépend de nous et uniquement cela. Nous apprenons, c’est le programme d’une vie.

Sur quels facteurs puis-je agir ?

  • Communiquer sur mes limites : j’apprends à bien me connaître, comment je « fonctionne », quel est l’impact du stress sur moi, etc. Si j’exprime ce dont j’ai besoin, cela réduit mon stress. Il est essentiel de communiquer clairement sur mes besoins, afin que mon entourage soit correctement informé. Mon chef me demande une tâche que je n’ai encore jamais réalisée ? Je le dis, et je demande de l’aide ou une explication. Ceci va me rassurer (besoin de sécurité), mon stress sera diminué lors de la réalisation, car j’aurai été entendue dans ma difficulté. Par conséquent, j’ajoute une nouvelle expérience à mon palmarès de compétences.
  • Identifier mes propres émotions : ce que je ressens actuellement, est-ce de la tristesse, de la colère ou de la peur ? Certains soignants l’ont ressentie profondément au début de la pandémie, par peur de l’inconnu, et c’était légitime. Est-ce que je les mets de côté, « pour plus tard » ? Les émotions ne sont pas toujours confortables à vivre, et elles nous sont nécessaires : elles constituent en quelque sorte un baromètre de notre bien-être au travail.
  • Quel est le déclencheur du stress ? Ceci revient à en chercher la ou les causes, afin de nous aider à comprendre ce qui se passe. Plus tôt je peux identifier ce que je vis, (le stress), au mieux je suis conscient(e), mieux je peux réguler cette émotion, cette difficulté.
  • De quoi ai-je besoin ? Les infirmiers sont, par essence, attachés à répondre aux besoins des patients. Et les nôtres, les respectons-nous ? Que deviennent nos besoins physiologiques, psychologiques ? Je rencontre dans ma pratique des professionnels n’ayant pas le temps d’aller au WC, de s’alimenter, de s’hydrater, etc… Les besoins de Virginia Henderson ne s’adressent-ils donc qu’aux seuls patients ?

Apprendre à gérer son stress nécessite de prendre du temps à travailler sur soi.

Prendre du temps pour soi : indispensable pour mieux gérer son stress
  • En pratique : pourquoi pas une demande de bilan de compétences ?

Le bilan de compétences est un dispositif d’accompagnement individuel, gratuit pour le travailleur. Le professionnel ayant des difficultés à gérer son stress découvre un espace d’écoute bienveillante, un accompagnement par un professionnel étalé sur plusieurs mois. Vous vous posez des questions quant à votre avenir professionnel, vous avez des difficultés à gérer votre stress, vous êtes en arrêt de travail, ou vous souhaitez vous réorienter professionnellement, etc ? Alors ce projet financé par le secteur non-marchand est fait pour vous.

Un outil pour expliquer le stress du quotidien : la balance BR² 

La balance BR² est un outil validé scientifiquement par les Prs I. Roskam et M. Mikolajczak de l’UCLouvain. Elle illustre concrètement ce que les professionnels vivent au quotidien : chacun a sa propre balance, nous avons tous nos stresseurs, et nos ressources spécifiques. Chaque professionnel devrait connaître sa balance : si j’identifie les facteurs à l’origine de mon stress, ainsi que les ressources à ma disposition, je peux agir pour maintenir ou restaurer l’équilibre.

  • Quels sont les risques d’une balance déséquilibrée ?

Nous n’avons pas toujours conscience du poids croissant des stresseurs.  « Ça ira mieux demain », peut-on entendre. Si le nombre de stresseurs n’augmente pas, leur poids peut faire pencher la balance du mauvais côté. Les ressources, quant à elles, peuvent devenir plus nombreuses, mais moins fiables, moins fréquentes. L’équilibre est à ce moment compromis, la balance penche du côté des stresseurs avec des impacts sérieux sur la santé du soignant :

Burn out : qu’il soit professionnel ou parental, le burn out témoigne d’un déséquilibre entre les ressources et les stresseurs. La souffrance est importante, et la personne n’est pas seule et unique responsable de ce qui lui arrive.

Troubles anxieux : la pandémie de covid 19 a accentué le caractère anxieux de certaines personnes, qui nécessite un accompagnement thérapeutique psychologique, médical, souvent pluridisciplinaire.

Dépression : la personne est atteinte dans toutes les sphères de sa vie, contrairement au burn out.

Cet article a été publié dans la revue Agora, le journal de l’infirmier(e) belge, en juin 2021.


 

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